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Peut-on encore être un sportif de haut niveau, un sportif d’élite, sans avoir recours au dopage ? Il y a toujours une certaine nostalgie à la fin du Tour. Cette année, elle a pourtant laissé place à du soulagement. La page, enfin, est tournée. L’opération mains propres peut commencer. Pour l’an prochain.
Le fait est que depuis 1998, pas un vainqueur n’a été épargné par la suspicion. Faut-il comprendre que le dopage, dans le sport de haut niveau en général et le cyclisme en particulier, est une culture enracinée, aussi inavouable qu’inébranlable ? Le choix du dopage est rationnel. Le sportif de haut niveau n’est plus un passionné qui s’adonne à son loisir favori. Il est un professionnel, un athlète vivant de ses performances. Il en tire sa légitimité, elles se doivent d’être les meilleures et en tout cas toujours meilleures. Les gains du champion sont d’autant plus élevés que sa performance est spectaculaire. Economiquement, il doit gagner et s’exposer aux médias. Statistiquement, le risque de se faire contrôler – positif – est faible. Juridiquement, celui de se faire sanctionner l’est tout autant, à raison des incertitudes scientifiques qui entourent la définition des substances dopantes, des incompatibilités de réglementations entre les instances internationales – l’UCI est un association de droit Suisse, sur laquelle l’Etat français n’a aucune prise –, les fédérations nationales et les Etats. Sportivement, J. Anquetil le professait : il faut être un imbécile ou sacrément faux jeton pour s’imaginer qu’un cycliste professionnel qui court 235 jours par an, dans toutes les conditions, peut tenir sans stimulants.
De plus en plus suggèrent qu’on laisse les coureurs se doper. La lutte contre le dopage n’est pas tant justifié par la préservation de la santé – le sport, pratiqué à ce niveau, n’est pas bon pour la santé – que parce qu’il provoque une rupture du sacro-saint principe d’égalité. Si tous se dopent, le problème disparaît. En outre, le dopage ne gâche rien au spectacle de la course. Les sondages l’attestent, lorsque 78% des français estiment que les coureurs sont dopés et que dans le même temps une très large majorité conserve autant de plaisir à suivre le Tour. Ce n’est, disent-ils, que liberté : chaque coureur dispose librement de son corps et agit en toute connaissance de cause. Dans aucun autre domaine les individus ne seraient astreints à de tels contrôles permanents et inopinés, obligeant à déclarer à chaque instant le moindre déplacement. Cette conception de la liberté individuelle n’admet aucune entrave, en particulier de l’Etat. Finalement, le dopage ne serait qu’un moyen d’améliorer les performances. Le débat sur sa légalisation serait le même que celui sur l’admission du dérailleur en 1958.
Rien n’est moins vrai. Il y a une différence évidente entre l’amélioration des techniques mises à disposition de l’homme et celle de l’amélioration de l’humain censé produire la performance. L’avènement du droit de disposer et de manipuler son organisme n’est pas encore consacré. Le respect du principe de dignité humaine, qui interdit d’utiliser l’homme comme un moyen, le prohibe. Sur un plan pragmatique, légaliser le dopage ne réglerait de toute façon pas la question de l’égalité entre sportifs. Le coût de produits dopants efficaces est élevé. Tous ne peuvent avoir accès aux mêmes traitements dopants. Et quels que puissent être les effets du sport de très haut niveau sur la santé, le dopage représente à l’évidence un enjeu majeur de santé publique. L’organisation du sport ne peut être totalement laissée à l’organisation privée, sortir du giron du droit commun. Sans doute, à l’origine, l’organisation du sport est privée : ce sont les individus et les fédérations qui l’ont développées. Les fédérations sportives, créées à partir de la fin du XIXème siècle, ont édicté leurs règles, sur un socle de valeurs communes, donnant naissance à une activité sociale organisée par des associations de droit privé. Mais c’est précisément parce qu’un tel mouvement ne pouvait se développer en un ordre juridique autonome que l’Etat, en 1945, puis en 1984, est intervenu pour réguler ce mouvement et le soumettre.
Le dopage, parce qu’il peut être destructeur, est nuisible et donc condamnable. Légaliser le dopage serait un renoncement, dans un Etat de droit, absurde et dangereux. Mais la critique du dopage ne doit pas se limiter à une dénonciation stérile, soumettant à la vindicte des médias et de l’opinion tel ou tel sportif, hier adulé, aujourd’hui conspué. Le Tour 2007 doit marquer un pas : son déroulement hasardeux et imprudent jette le discrédit sur l’institution, qui l’admet clairement. Deux évidences s’imposent aujourd’hui. Un, il ne faut pas revenir en arrière et se désengager en renonçant à lutter contre le dopage, au motif que son éradication est utopique. Ici, le droit ne peut céder devant le fait. Deux, cette lutte ne peut se faire qu’au niveau mondial, en renforçant les pouvoirs de l’Agence mondiale de lutte contre le dopage. L’éclatement actuel du pouvoir de sanction, entre instances nationales et internationales, privées et publiques, ne peut être efficace.
Interessant... merci.
Rédigé par : Illustrateur | 10 août 2007 15:11:28
Cher Confrère,
Votre article touche le fond du problème qui mine le sport aujourd'hui.
Je dois avouer que je me suis reconnu dans le profile du spectateur moyen du Tour de France. Je sais qu'il y a du dopage mais je continue à regarder le spectacle. J'ajoute que j'ai l'intention de rester fidèle au Tour, quoi qu'il arrive.
Comme vous l'avez souligné, la véritable question est celle de l'égalité. C'est une question assez difficile en matière sportive si l'on y regarde de plus près. En effet, la nature même de la compétition sportive - à la différence du sport du dimanche - est précisément d'établir un classement. Autrement-dit, arriver à l'inverse de l'égalité: la hierarchie.
On pourrait objecter que ce qui compte, c'est l'égalité des chances sur la ligne de départ. Mais existe-t-elle vraiment, même en dehors du dopage? En réalité, il est avéré qu'à niveau d'entrainement égal, certains sportifs ont des capacités physiologiques innées bien supérieures. Je crois savoir que c'est particulièrement le cas au niveau du flux d'oxygène.
Alors, en faisant un peu de provocation, on pourrait poser la question: qui a le plus de mérite? Celui qui est né avec des capacités supérieures? ou celui qui prend des risques pour sa santé en prenant des produits l'amenant à ce niveau?
Fondamentalement, je regrette la présence du dopage dans mon sport préféré. Je pense que cette pratique est regrettable dans la mesure où elle est devenu quasiment incontournable pour atteindre les premières places.
Cela étant, la compétition sportive - à la différence du sport pratiqué individuellement - est un spectacle qui répond à l'attente d'un certain marché - d'où les sommes investies par les sponsors. Comme tout marché, les opérateurs répondent aux attentes du public. Si le public se désintéresse du sport en raison du dopage (autrement dit, si le besoin d'éthique l'emporte au sein du public) la pression du marché fera que le dopage sera combattu plus efficacement.
Or, si la pression des médias sur le vélo a été parfois obscène, elle a eu pour bénéfice de développer la conscience du public. Au point qu'aujourd'hui, les sponsors exerce des pressions sur les équipes ou se retirent (e.g. Phonak, Adidas, etc.).
Par ailleurs, de nouvelles équipes émergent. C'est le cas notamment de l'équipe Splitstream organisée sur des principes sains. Ce type d'évolutions ressemble grandement à l'émergence du commerce équitable en matière de développement.
Il est vrai que cette approche "marchande" de la compréhension des problèmes est souvent oubliée en France, voire méprisée. Du moins ne retient-t-on qu'un seul aspect des choses - l'argent crée le problème - en oubliant que c'est également le marché qui peut apporter la meilleure solution. Elle n'en est pas moins utile à mon avis, singulièrement dans cette affaire de dopage.
Rédigé par : David Méheut | 16 août 2007 15:53:32
Il est toujours très intéressant de voir des articles sur le sport et le dopage.
Le sport est magnifique à regarder mais il ne faut pas que cela entraîne pour les sportifs une obligation de se doper pour donner toujours de meilleures performances, insufflé par leurs sponsors.
Une conférence sur les maux du sport avait eu lieu par la commission bioéthique et droit de la santé du barreau de Paris le 17 novembre 2006 (voir le compte-rendu: http://droit-medecine.over-blog.com/article-4596292.html ) Un lien est mis vers l'Agence mondiale anti-dopage.
NB: Votre article est excellent
Rédigé par : Olivier | 17 sep 2007 13:56:40
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Rédigé par : wxrj ngup | 21 sep 2007 03:32:07
Il me semble que c'est trés facile de "critiquer" le comportement des sportifs dopés. Quand 80% des cadres supérieurs tournent sous Prozac, et autres somnifères, quand presque 7 "joggeurs" sur 10 prend des boissons énergisantes avant le footing du dimanche, ou bien, quand les cafétéria du bord d'autoroute se retrouve blindé de voyageur désireux de prendre "un bon café pour se remettre en forme"... Je veux dire par la, que le dopage n'est absolument pas acceptable. Mais que chacun de nous, malgré notre impression d'avoir des comportements trés éloignés de ce genres de pratiques, nous ne sommes en fait, pas trés loin de la limites.
Etre cycliste, c'est passer plus de 200 jours par an dans des chambres d'hotel, le plus souvent, mis à part Freire, Boonen , Valverde ou Petacchi, pour seulement 3, 4 victoires. Le cyclisme est un sport ou souvent, trés souvent, tu obtiens le deuxième place. Ajouter à cela l'extreme dureté de ce sport, et cette isolement dans des "cocons" déviants. Il me semble que cela peut expliquer, sans pour autant excuser, des pratiques dopantes.
Rédigé par : ajanthan | 10 jan 2008 16:40:55
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